La Frontière
Voyager à travers les terres de l’Orée
Mis à part les quelques routes relativement bien entretenues qui mènent de Salvation à la Frontière, il n’y existe presque aucun chemin sillonnant les terres de l’Orée. Une poignée de sentiers visibles se trouvent autour des postes de traites fréquemment visités, entretenus simplement par le va-et-vient assez fréquent des voyageurs. Les seules véritables routes sont les voies dallées d’autrefois, vestiges des artères commerciales qui reliaient jadis les grandes villes humaines de Pangée. Ces voies traversent le territoire de la Frontière dans des axes improbables et ne doivent jamais être suivies jusqu’au bout; car au bout, c’est toujours l’Abîme qui attend. Seuls les prospecteurs se risquent à les suivre dans leurs quêtes des cités perdues de Pangée.
Les « chemins » empruntés par les nomades de l’Orée (à commencer par les Pèlerins) ne sont pas des routes, ni même des sentiers; ce sont des tracés abstraits balisés par des
repères visuels que seuls connaissent ceux qui sont habitués du territoire. Plusieurs de ces repères viennent de la position des étoiles et des constellations relativement à l'observateur. Une consigne comme : « Garde Aldebaran au-dessus de ton épaule droite en marchant vers le second Pic Bleu», ou encore « Assures-toi d’avoir La Souche dans l’oreille gauche et la Grand-Mère dans la droite lorsque tu longes la Plaine aux Ghecks» apparaîtra tout à fait claire pour un Pèlerin, mais sera d’une insondable obscurité pour à peu près qui que ce soit d’autre. Heureusement, les pèlerins acceptent souvent de jouer les guides pour des voyageurs moins expérimentés, moyennant un certain tarif, bien entendu.
Les groupes, tribus et bandes de l’Orée sont constamment en mouvement, mais cela ne signifie pas que ces mouvements sont arbitraires ou inutiles. Mis à part les fuites et esquives nécessaires face aux Marées d'Abîme, la chasse et le commerce, les groupes se déplacent en fonction de leurs objectifs propres. Les jeunes enfants et leur bien-être sont une priorité pour la plupart des groupes civilisés. Un membre malade, la rumeur d’un trésor, une antique vengeance ou une rumeur intéressante peuvent tout autant justifier le voyage d’un groupe vers un lieu plus ou moins lointain.
La plupart des groupes voyagent à pied. Aucun animal ne peut efficacement suivre le pas preste d’un groupe de voyageurs habitués à l’Orée. Les fleuves, rivières et lacs navigables sont peu nombreux mais couramment utilisés. Avec le temps, tout résident de l’Orée en vient à connaître avec grande précision ces terres meurtrières; ses haltes et ses refuges; ses fondrières et ses bois hantés; ses rocs acérés et ses marais poisseux. On comprend pourquoi la plupart des voyages sont guidés par le nomade le plus âgé du groupe, et pourquoi, de leur côté, les Pèlerins accordent tant d’importance au culte de leurs ancêtres.
Activité commerciale
Les nomades de la Frontière ne peuvent rien cultiver sans risquer leur propre ruine. Ils ne peuvent installer que des ateliers de fortune et des forges rudimentaires, impropres à créer de bons outils et de bonnes armes. En revanche, l’Orée regorge de matériaux précieux pouvant être exploités. On y trouve aussi les ruines des cités anciennes et quantité de trésors perdus, aux trois quarts ensevelis par l’Abîme. Ces trésors sont vivement recherchés par les Technocrates et les Pyrosophes.
C’est donc en échangeant avec la cité de Salvation que la plupart des résidents de l’Orée parviennent à améliorer leur ordinaire de racines, de viande sauvage vinaigrée, d’eau saumâtre et de danger mortel. C’est aussi par le commerce qu’ils peuvent mettre la main sur les outils de métal et les armes qui améliorent radicalement leurs chances de survie. Les Pèlerins ont une expression marquante à ce sujet : être « entre frères, bon feu et bon fer ». Cela signifie : se trouver dans le degré le plus élevé de sécurité que l’on puisse espérer en terres Orée. Pour tout Caravanier, cela implique d’avoir une arme de métal, un feu et des amis sur qui compter.
Plusieurs marchands de Salvation visitent sur une base régulière les postes de traites installés par différents groupes de Pèlerins. Les marchands apportent avec eux de nombreux produits des ateliers, des champs, des distilleries et des élevages de Salvation. Tout est transporté lentement par chariots à bœuf, le seul animal de trait potable qui soit disponible aux alentours. Les marchands de Salvation n’ont rien à faire des rations vinaigrées des Pèlerins, non plus que de ce qu’ils appellent artisanat, ou quoi que ce soit de relatif à leur culture. Les marchands échangent leurs produits contre du minerais de métal, des artefacts antiques et des herbes rares cueillies à l’Orée; autant de marchandises introuvables dans les Terres-de-Lumière et extrêmement précieuses au maintien de l’arche humaine de Salvation.
Les Pèlerins tendent à monopoliser les échanges avec les marchands de la Dernière Cité. Bien sûr, il n’est pas interdit pour un groupe de transiger directement avec un marchand, mais il doit faire attention à ne pas marcher sur les pieds d’une communauté de Pèlerins. La force des Pèlerins vient de leur pouvoir de troc, qui n’est rien sans un accès protégé aux marchandises de Salvation les plus convoitées. Ces marchandises sont les armes (métal), les armures (métal et cuir), les charcuteries, l’alcool, le tabac et les herbes salées.
Le Plateau de Val
À plusieurs kilomètres au nord de Salvation se trouve une chaîne de montagnes réputée infranchissable. À ses pieds, un sentier bâti à travers les escarpements conduit à un plateau qu’on appelle le Plateau de Val. Il s’agit, dit-on, du lieu le plus élevé que l’on peut en toute sécurité visiter à l’Orée des Terres de Lumière. Au-delà, la chaîne de montagne s’enfonce dans l’hostilité des Abysses.
Le Plateau de val est un poste de traite régulier entre plusieurs marchands de Salvation, groupes de Pèlerins et nomades. C’est un territoire reconnu comme stable pour une terre des Frontières; les Marées d’Abîme y sont comparativement peu fréquentes et la route qui y mène est relativement sûre. Qu’on ne s’y méprenne pas toutefois, car le plateau de Val n’a rien d’un Éden. Plusieurs insensés ont tenté d’en coloniser les environs à travers les décennies; certains de leurs restes sont encore visibles dans les alentours du poste de traite. Une ruine de fermette par ici. Un reste de hutte par-là. Quelques squelettes blanchissant au soleil dans le fond d’une vallée. Le plateau de Caelum est aussi hostile à l’établissement permanent que toutes les autres terres de la Frontière; il est simplement un peu plus sécuritaire en comparaison des territoires coupe-gorges qu’on trouve à l’ouest ou au sud de Salvation.
Aucun groupe n’exerce actuellement de mainmise sur le plateau de Caelum et plusieurs tribus de Pèlerins y transigent librement, ce qui contribue à éloigner pillards, bandits et barbares. Caelum n’a pas été le théâtre d’affrontements majeurs depuis plusieurs années et les tribus dégénérées s’en tiennent le plus souvent assez loin, préférant attaquer les caravanes qui s’aventurent à l’ouest ou à l’est à partir du Plateau de Val.