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La Frontière

Les Nomades

La menace constante des Marées d’Abîme est ce qui pousse ultimement tous les habitants de la Frontière à vivre en nomades. C’est aussi ce qui empêche l’établissement de  tout village, ville ou civilisation dignes de ce nom. Rester plus de quelques jours au même  endroit, c’est appeler la catastrophe. Manquer de vigilance, surtout pendant la nuit, c’est  signer son arrêt de mort. Même dormir est dangereux. De plus, les Marées d’Abîme rendent futile tout effort d’accumuler les ressources nécessaires au soutien d’un meilleur  mode de vie à moyen et long terme. Celui qui se charge trop lourdement, ou qui cultive,  ou qui bâtit, ou qui accumule, sera plus souvent jugé comme un sot par les habitants de  l’Orée. Un sot qui verra tôt ou tard sa bêtise punie par beaucoup d’amertume. «Si tu veux voyager vivant, voyage léger » disent les Pèlerins. Devant les Abysses, il ne faut pas simplement être prêt à partir, mais à partir immédiatement, en courant et en laissant derrière  soi tout ce qu’on ne peut personnellement porter. Sans compter que celui qui est lourd,  lent et chargé de trésors représente une cible de choix pour tous les pillards des environs… 

 

L’absence de gouvernement politique, de loi ou de police à la Frontière permet aux racailles les plus infâmes de laisser libre-court à leur appétit de rapine, de violence et de  destruction. Il y a bien quelques héros ici et là, quelques justiciers illuminés défendant la  veuve, l’infirme et l’orphelin; mais règle générale, c’est la loi du plus fort qui prévaut par tout en Orée. C’est cette loi du plus fort entraîne naturellement la forme la plus primitive  d’organisation politique connue par l’humanité : le tribalisme.  

 

La très vaste majorité des habitants nomades de la Frontière voyagent en groupes. Ces  groupes varient beaucoup dans leur taille (d’une simple bande de trois aventuriers à un  rassemblement de quelques familles), leurs motivations, leur culture, leurs buts,  etc. On parlera de tribus, de bandes, de groupes, de fratries ou de caravanes selon le  groupe et sa composition. Quant aux voyageurs solitaires, ils sont très rares et les habitants de la Frontière tendent à s’en méfier. Les Pèlerins disent volontiers que « seul un  sot voyage seul» et l’expérience tend à confirmer très vivement (et violemment) ce principe. 

Pour ceux qui subissent un tel destin, il convient aux Nomades d’enterrer leurs morts, pratique condamnée par les Pèlerins qui prétendent qu’ainsi leur âme ne pourra jamais s’élever et rejoindre leurs ancêtres. Néanmoins, cette pratique funéraire persiste chez les nomades qui y voit un rejet complet de la flamme et surtout la liberté pour le défunt de choisir une fois pour toute où se terminera son voyage. De nombreuses tombes se retrouvent ainsi à l’Orée et certaines servent même comme point de repères pour traverser le territoire. Évidemment, nombre d'entre elles sont pillées ou perturbées par des voyageurs, mais aussi par d’autres forces d’influence.

Les Marée d'Abîmes

Pour un observateur extérieur, les terres de l’Orée pourraient sembler accueillantes. Tout  d’abord, et très significativement, il n’y a qu’en Orée que s’est conservé l’ordre cosmique  ancestral de Pangée. À la Frontière entre la Lumière et les Abysses existe une frange large  de plusieurs kilomètres où l’on peut contempler comme jadis le Soleil, la Lune et les  étoiles. Le jour y alterne avec la nuit, conformément à l’immémorial équilibre du monde. On y retrouve des forêts et des montagnes ainsi que des lacs et des rivières, habités par  une faune foisonnante qui rappelle richesse de l’antique Pangée. On y trouve aussi un  très grand nombre de gisements de métaux précieux, comme le fer, le cuivre et même  l’Illial. En bref; un observateur extérieur se demanderait sans doute ce qui empêche la  civilisation humaine de s’établir sur des terres aussi riches et hospitalières. 

Le fait est que tous ces avantages sont réduits à la plus complète insignifiance face à l’in dicible danger qui plane en permanence sur les terres de l’Orée; un danger invisible, qui  rend tout établissement sédentaire impossible et tout voyage extrêmement dangereux.  Ce danger, c’est celui des Marées d’Abime. 

La lumière de la Pyrothante amplifiée par les piliers de fer Illial permet normalement une  certaine stabilité des limites de l’Orée. La Frontière entre les Abysses et la Lumière est  assez constante pour qu’on puisse éviter les unes et rechercher l’autre sans se tromper.  En s’assurant que le Soleil, la Lune et les étoiles se trouvent toujours au-dessus de sa tête,  le voyageur s’assure de rester en Orée. Cette précieuse mesure de prudence connue de  tous les voyageurs de la Frontière est enclose dans un vieil adage qu’utilisent les Pèlerins  Célestes pour souhaiter bon voyage: « Garde les yeux au ciel, mon ami, et que les astres  éclairent ta voie ». 
 

Un ciel qui s’obscurcit subitement est un présage terrifiant pour quiconque est habitué à  survivre dans les terres de l’Orée. C’est le signe sinistre qu’une Marée d’Abîme s’apprête  à s’abattre sur les environs. 

La vaste majorité des Marées d’Abîme se produisent pendant la nuit, en l’absence du Soleil. Certaines de ces Marées ne durent que quelques heures, voir quelques minutes.  D’autres peuvent s’étendent pendant des mois ou des années. Mais peu importe sa du rée, une Marée d’Abîme a invariablement des résultats catastrophiques pour tout ce qui  cherche à survivre sur le territoire. 
 

Les ténèbres d’une Marée d’Abîme ne détruisent pas; elles sapent, grèvent, sucent, corrompent, consomment et dévitalisent, ne laissant dans leur ressac que des ruines désordonnées, des carcasses desséchées, des arbres morts et des rivières empoisonnées. Parfois, les Abysses poussent l’injure jusqu’à tordre la végétation et les animaux qu’elles avalent, leur laissant un souffle de vie, mais pervertissant leur nature et leur fonction jusqu’à  la plus abjecte monstruosité. On dit que l’Abîme se plaît ainsi à inventer de nouvelles tortures cruelles pour l’humanité dont il veut se venger. 
 

Même les plus jeunes enfants de Pèlerins savent ce qu’il faut faire si par malchance, on  se retrouve piégé dans une Marée d’Abîme : faire un feu, se tenir contre lui et se préparer  à défendre sa vie. Vaut mieux en effet être près d’un feu que dans la complète obscurité,  ne serait-ce que pour pouvoir se battre, ou au moins voir venir l’abomination qui causera  notre mort. Mais surtout, les flammes naturelles sont connues pour repousser dans une  certaine mesure les horreurs des Abysses. Pris dans une Marée d’Abîme, les meilleures  chances de survie se trouvent auprès d’un feu; c’est pourquoi l’on en trouvera toujours  un d’allumé dans un campement de Pèlerins, même en plein jour. Laisser mourir le feu  du groupe est un acte tout à fait irresponsable; l’éteindre volontairement est généralement vu comme une attaque directe au groupe tout entier et aura le plus souvent l’effet  d’une déclaration de guerre.
 

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